Programmes de recherche

Prenant acte des transformations de l’État, de l’interdépendance des responsabilités du politique et de l’administratif et de l’évolution du rôle joué par les acteurs, le regard de la CREVAJ se porte sur l’action publique, et plus particulièrement celle destinée aux jeunes en situation de vulnérabilité. S’inscrivant dans un cadre compréhensif et évaluatif des conditions de mise en œuvre de l’action publique et de ses effets sur les publics concernés, les travaux de la Chaire visent l’acquisition de connaissances nouvelles sur les méthodologies d’évaluation de l’action publique. En continuité des travaux conduits lors du premier mandat de la CREVAJ sur les jeunes et les programmes sociaux qui leur sont destinés, la nouvelle programmation vise plus particulièrement l’évaluation d’actions publiques en cours, mais aussi le développement de nouvelles actions rendues possibles par ce contexte de transformations ainsi que par une mobilisation des connaissances intégrée.

Axes de recherche

Évaluation de l’implantation de l’action publique

Dans la continuité d’une sociologie de l’action publique, nous proposons de décloisonner l’analyse des politiques publiques en embrassant l’ensemble des étapes de leur déroulement. Nous nous intéresserons donc à la formulation des problèmes publics et à leur mise à l’agenda en interrogeant les décideurs sur leurs perceptions des jeunes et sur les réponses publiques proposées. Nos analyses s’inscrivent par ailleurs dans une perspective socio-historique de l’action publique. L’objectif est de conserver ce lien étroit entre les besoins à la base de l’intervention d’une part et l’action publique mise en œuvre d’autre part. Quant aux mécanismes de mise en œuvre et des logiques d’intervention professionnelle nous les examinons en rencontrant les intervenants et professionnels. Cette perspective est originale puisqu’elle dépasse et intègre les études sectorielles (éducation, travail, logement) et les recherches liées à des problématiques particulières (jeunes de la rue, jeunes autochtones, jeunes immigrants). En s’intéressant à l’application concrète des soutiens aux jeunes au niveau local, l’analyse est centrée sur les processus par lesquels les intentions derrière les actions publiques sont appliquées dans la vie de tous les jours. De plus, elle permet de saisir les adaptations rendues nécessaires par la singularité des caractéristiques des personnes concernées et par les contextes locaux d’implantation.

Qui plus est, l’action publique auprès des jeunes, notamment ceux en situation de vulnérabilité, doit constamment s’adapter pour répondre le plus adéquatement possible aux besoins des jeunes, eux-mêmes en évolution. Par conséquent, en portant un regard global sur les processus constitutifs de l’élaboration et de la mise en œuvre des actions publiques, notre démarche permet une analyse basée sur une perspective méthodologique qui prend en compte les interactions entre les acteurs au cœur de la production des actions publiques. Il s’agit ainsi de considérer les enjeux de gestion horizontale, de collaboration intersectorielle et de partenariat entre les acteurs de l’action publique et les différentes personnes entourant les jeunes dans leur cheminement. Dans cette optique, doivent être mises en évidence les dynamiques internes des communautés afin de voir en quoi elles peuvent constituer des leviers favorables ou des entraves à l’insertion. Enfin, la perspective de cet axe vise à rendre compte de la diversité des situations vécues, des soutiens offerts dans les milieux d’appartenance et des actions publiques mises en place.

Évaluation des effets de l’action publique

Les travaux de l’axe 2 ont le souci de considérer les conditions d’implantation afin d’éviter des erreurs d’attributions dans le jugement quant à l’échec ou le succès de l’action publique. L’orientation privilégiée ici pour appréhender les effets des actions publiques est celle de l’analyse des trajectoires et de l’analyse des réseaux personnels. Ainsi, le croisement entre biographique et relationnel rappelle l’importance d’étudier en interaction la succession des événements qui se produisent dans les différentes sphères de la vie pour saisir le processus d’insertion, notamment en regard du fonctionnement dynamique des réseaux sociaux et de leurs rôles. Il est ainsi possible d’évaluer comment les actions publiques soutiennent le passage à la vie adulte dans trois espaces sociaux intégrateurs, soit le travail ou les études, le logement et la famille. Dans cette perspective, les travaux sur l’acteur et sa marge de manœuvre permettent de prendre en compte le rôle du jeune interagissant avec son environnement, en lui reconnaissant un pouvoir sur sa trajectoire et sa capacité à faire des choix, à partager son point de vue sur les services qu’il reçoit et à accepter ou refuser les soutiens, et ce, même si les contextes sociaux sont adverses. De plus, l’analyse des réseaux personnels permet de considérer les acteurs, y compris ceux de l’action publique, qu’ils soient présents ou absents, et comment ils soutiennent ou non les individus. Considérer dans l’analyse les acteurs du réseau personnel (primaire) comme les acteurs issus de l’action publique (réseau secondaire) permet en outre de mieux cerner comment et à qui attribuer les changements de trajectoire. En somme, il s’agit de dépasser les approches psychologisantes qui ne tiennent pas compte du contexte dans lequel les transitions des jeunes se déroulent (géographiques, culturelles, économiques, sociales, relationnelles, etc.) afin d’améliorer les pratiques sociales et les politiques publiques. De ce fait, il s’agit de s’intéresser aussi à la résilience relationnelle et sociale. Enfin, les perspectives théoriques sur les réseaux sociaux, entendus comme supports à l’insertion, seront utilisées pour appréhender la nature et les significations des relations qu’entretiennent les individus vulnérables.

Conception et développement de nouvelles pratiques sociales

Ancrée dans une perspective compréhensive basée sur le point de vue des acteurs, la stratégie globale de la Chaire vise également à produire autrement des données probantes sur l’action publique, soit dans une perspective « bottom-up » en continuité du paradigme « evidence informed decision-making ». Résolument participative, ce type d’approche est original et se distingue épistémologiquement d’une implantation de programme basée sur l’expertise et axée sur les données probantes. Notre approche prend ainsi en compte les différents contextes organisationnels, institutionnels et sociétaux. Dans le souci de favoriser une prise en compte des difficultés et des blocages individuels, méso structurels et structurels que les jeunes rencontrent, nous proposons une démarche de co-construction, avec les acteurs politiques, les gestionnaires, les professionnels d’actions publiques et idéalement avec les jeunes eux-mêmes. En effet, les changements de pratiques et de politiques au centre de nos projets sont complexes, compte tenu de l’interdépendance et de l’interconnexion des acteurs, et du fait qu’ils possèdent tous une partie de la solution aux problèmes.

Quant à notre conception des innovations, elle s’appuie sur l’idée que la confrontation des paradigmes des acteurs, parfois divergents ou conflictuels, permet une reproblématisation propice à l’entente sur la nature, la priorité et l’importance des changements.  Notre objectif est ici de regrouper les producteurs, les intermédiaires et les utilisateurs de connaissances pour constituer un acteur collectif engagé dans la production des changements systémiques nécessaires à l’innovation dans le soutien aux transitions à la vie adulte des jeunes, dépassant ainsi les enjeux sectoriels et organisationnels. Par ailleurs, la littérature insiste sur le fait que les connaissances scientifiques ne sont pas indépendantes du contexte de production et d’utilisation, car la capacité d’un acteur à influencer le milieu collectif dans lequel il œuvre est directement liée aux facteurs contextuels présents dans ce milieu.

Consultez nos principaux projets de recherche en cours :